Glisser sur une table avant de la retourner pour se protéger d’une rafale, courir d’une position à une autre tout en achevant deux ennemis, faire une roulade pour esquiver une balle avant de mitrailler un adversaire venant d’apparaître derrière vous. Voilà à quoi ressemblent quelques secondes d’Enter the Gungeon. Ce titre édité par Devolver Digital mélange deux recettes ayant connues de gros succès au sein des jeux indépendants sortis ces dernières années : le twin-stick shooters (Hotline Miami, The Binding of Isaac, Geometry Wars) et le rogue-like (Spelunky, FTL, Rogue Legacy). Le portrait-robot du jeu semble donc se dessiner de lui-même : il va falloir faire mordre la poussière à des vagues d’ennemis, vous allez mourir régulièrement et votre expérience basée sur vos erreurs passées vous permettra de repousser petit à petit le plafond de verre vous séparant de la fin du jeu.
Avant d’aller plus loin, il est bon de souligner que cette review a été rédigée après la sortie de l’extension gratuite Advanced Gungeons & Draguns. Cette mise à jour, attendue de longue date, ne bouscule pas le fond du jeu, mais renouvelle considérablement les items disponibles – déjà très nombreux à l’origine – en plus d’apporter quelques équilibrages et de compléter le bestiaire.
Guns for Hire
Côté histoire, quelques secondes suffiront à expédier le peu qu’il y a à savoir sur un obscur pistolet planqué au fond d’une forteresse et permettant de tuer le passé. Sans plus de précision, il est déjà temps de sélectionner l’un des quatre personnages jouables : le marine, le pilote, la condamnée ou la chasseresse. Même si chaque personne vient avec une arme, un talent et un objet qui lui est propre, le gameplay est peu affecté par ce choix.
Un petit tutorial vous permettra de maîtriser les quelques commandes de bases : un stick pour viser, un autre pour se diriger, ZR pour utiliser votre objet, R pour tirer, Y pour recharger et B pour interagir avec un élément. Les commandes de bases se mémorisent vite et il ne faudra pas longtemps avant que tout cela devienne instinctif. Tant mieux, car dans les couloirs de la forteresse ce sera bien vos instincts les plus primitifs qui seront sollicités. Chaque pièce semble être un musée à la gloire de la NRA. Du bestiaire aux éléments de décors, tout évoque de près ou de loin l’univers de l’armement. Vos adversaires seront des fantômes armés de mitraillette, de grenades courant vers vous avant d’exploser ou encore des cartouches sur pattes et armées de pistolets etc.
Une roulade vous permettra de passer par-dessus des trous, mais aussi d’esquiver une rafale. Il s’agit probablement du mouvement le plus difficile à maîtriser et celui qui vous permettra de vous sauver dans le plus de situations, les niveaux pouvant vite se transformer en véritable bullet-hell. Heureusement, vous pourrez aussi compter sur quelques ballablancs pour faire disparaître tous les projectiles de l’écran pendant quelques secondes.
Janie’s Got a Gun
La forteresse à visiter se décompose en cinq étages, chacun ayant sa propre ambiance. À chacune de vos tentatives, les niveaux seront générés aléatoirement. L’agencement des pièces, les armes disponibles, l’emplacement de la boutique, les adversaires présents : tout ou presque variera entre deux parties. Seul point commun : chaque étage se conclut par un combat épique contre un immense boss, lui-aussi sélectionné aléatoirement.
Avec trois cœurs en votre possession au début de chaque tentative, autant vous dire que le moindre contact imprévu peut s’avérer dramatique. Pour vous aider dans votre progression, vous allez régulièrement trouver des coffres contenant de nouvelles armes et objets, ainsi que des douilles – la monnaie locale – pour augmenter vos chances de survie auprès du marchand du coin. Une autre monnaie fait aussi son apparition après chaque boss vaincu et permet de déverrouiller de nouvelles armes, plus puissantes, qui pourront ensuite être trouvées lors des explorations suivantes.
Pour le joueur, chaque partie est un bras de fer perdu d’avance contre le jeu qui n’hésitera jamais à vous mettre une claque s’il le peut. Heureusement, Enter the Gungeon est aussi un gigantesque défouloir pouvant aussi bien s’apprécier sur des sessions courtes que sur des sessions longues. Les pics d’adrénalines sont fréquents et on regrette simplement que les armes ne proposent pas de meilleures sensations manette en main.
Les premiers essais dureront quelques minutes, le premier boss semblera infranchissable et accéder au troisième étage semblera difficile pendant un long moment. Mais petit à petit, le joueur s’améliore en apprenant de ses erreurs et débloquant de nouvelles armes. Parties après parties, les patterns seront maîtrisés, le troisième niveau ouvrira ses portes, des secrets seront débloqués et les mauvais réflexes s’effaceront au profit des bons. Même s’il vous faudra certainement des dizaines et des dizaines de tentatives avant d’espérer voir la fin du jeu, la progression est lente mais réelle.
Chaque mort est suivie par l’envie de replonger au plus vite dans les entrailles de la forteresse. Il faut dire que le jeu a pour lui une ambiance et un ton très plaisants. Souvent le jeu fait sourire, que ce soit avec l’animation d’un adversaire, un effet inattendu d’un nouvel item, la description d’un objet ou un clin d’œil à la pop-culture (les références se comptent par dizaines et sont distillées par petite dose). Le tout est soutenu par une bande-son agréable dont on ne se lasse pas ! Après quelques heures de jeu, on réalise à quel point Enter the Gungeon est généreux et l’arsenal mis à disposition en est la meilleure preuve. Aux côtés des pistolets, fusils et mitraillettes, on retrouvera pêle-mêle l’arc de cupidon, le zapper de la NES, un trident démoniaque ou tout simplement un pistolet à eau. Avec plus de 200 armes pouvant être utilisées, tout ce qui peut faire pouic, bam, tac ou boum y est représenté.
Happiness Is a Warm Gun
Cependant, l’un des reproches que l’on peut faire au jeu est de ne donner aucune information sur les armes. Malgré la présence d’un texte de présentation, c’est à l’usage que l’on découvrira les effets de notre dernière acquisition et aucun indicateur ne vous permettra de comparer ses dégâts potentiels avec vos autres pétoires.
Une autre doléance vient de la lisibilité de certains passages. Entre les dizaines de projectiles fusant dans tous les sens, les explosions et les ennemis qui se déplacent ou se téléportent, il ne faudra plus cligner des yeux à partir du troisième niveau sous peine de perdre de vue notre personnage. Quelques secondes d’inattention et c’est la moitié de votre vie qui disparaît. C’est d’autant plus rageant qu’il est parfois difficile de percevoir certains éléments de décors. Si vous jouez avec votre Switch en mode portable dans un environnement lumineux, votre plus gros défi sera probablement de distinguer un trou noir au milieu d’un sol gris et c’est pourquoi on aurait apprécié que les chutes soient moins punitives.
Vous comprendrez donc que la présence d’un mode deux joueurs en local n’aidera pas à y voir plus clair dans les différents écrans. Cet ajout reste cependant appréciable amusant. S’il est possible de jouer avec un Joy-Con chacun, on vous recommandera quand même d’investir dans une manette ou une seconde paire de controllers pour que le jeu reste facile à prendre en main.
Mis à part ces points, la Switch semble avoir été bâtie pour accueillir des jeux de la trempe d’Enter the Gungeon. Lancer une partie sur le pouce est un véritable plaisir, et la reprendre en quelques secondes à la première occasion disponible permet d’enchaîner les essais sans jamais se lasser. Du côté de la technique, le portage a été soigneusement réalisé. Même si quelques frames peuvent passer à la trappe, une option permet de sélectionner le niveau de détail pour limiter la casse auprès des plus exigeants. D’ailleurs, le travail réalisé par le studio Dodgeroll au niveau des options est exemplaire : affichage d’un chronomètre pour les speed-runs, déplacement accéléré entre les combats, mapping des touches, importance de l’aide à la visée etc. Les preuves du sérieux et de la générosité de l’équipe ne manquent pas.
On apprécie notamment la possibilité de relancer rapidement une partie pour limiter les temps de chargement. Un autre point illustre d’ailleurs ce désir de toujours conserver un bon rythme dans l’aventure : des téléporteurs sont disséminés dans de nombreuses pièces du donjon et il vous sera possible de les rejoindre depuis n’importe quelle autre pièce. L’idée est simple et permet de gagner un temps fou en évitant de nombreux allers-retours.
Notes
Conclusion
Enter the Gungeon est un rogue-like qui invente peu de choses, mais qui applique merveilleusement bien des recettes connues et qui ne cesse jamais de prouver sa générosité. Les joueurs en quête d’un défouloir peuvent foncer tête baissée sur ce titre qui les occupera de nombreuses heures. Ceux qui voudraient s’essayer au genre pourraient cependant être repoussés par sa difficulté et l’investissement qu’il demande.
Review réalisée sur la version 2.0.11 du jeu.
Enter the Gungeon est disponible sur l’eShop de la Nintendo Switch depuis le 18/12/2017 pour 14,99€.